La mémoire, élément essentiel à l’affirmation d’un individu, est fragile. Alzheimer est une maladie dégénérative où, peu à peu, des parties de vie disparaissent, jusqu’à en oublier les codes sociaux, la coordination, les réflexes vitaux.
Mon grand père en était atteint. Dans un premier temps sa mémoire immédiate a été la plus touchée, incapable de se souvenir de la veille. Puis l’oubli peu à peu. Se mêlent les années et les visages. On apprend alors à s’attacher à une autre personne, changée, dérangeante et touchante.

Pour représenter la perte de soi, j’ai choisi de montrer des images faites par lui ou de lui, peu importe l’époque. Celles-ci s’effacent, se déchirent et se confondent, nous laissant dans le même état que lui : impuissants face à la perte des souvenirs. Ces photographies le représentent qu’il soit présent ou non dans l’image. Nous n’avons pas plus d’éléments que lui à la fin de sa vie pour discerner le vrai du faux.

À ces images s’ajoute une série que j’ai réalisée avec une pellicule argentique périmée. Ces clichés ont été pris dans le Gard, où il vivait. Ici je pointe la confusion qu’il faisait entre passé récent et ancien, mélangeant les lignes temporelles de sa vie et celle des autres. Il s’est alors créé sa propre vision du monde, du temps. La disparition d’informations récentes symbolise le flou dans lequel il était. La teinte des images, due au mauvais état de la surface chimique empêche une lecture correcte des photographies. Certaines se répètent, telles des balbutiements, quand d’autres, au travers de détails qui paraissent dérisoires incarnent des ancrages dans la recherche constante de son passé. Les informations, les détails, les tons noirs disparaissent de l’image et ce par l’action du temps.